C’est dans notre famille ? Traces de familles romaines à Rimburg

Auteur: Christian Kicken
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« Qui écrit, reste », dit un proverbe bien connu. Cela valait déjà à l’époque romaine, car d’innombrables pierres portant des inscriptions montrent de nombreux noms, également provenant du nord romain. Particulières sont les pierres tombales trouvées à Rimburg le long de la Via Belgica : elles renvoient à trois familles locales.

Entre 1926 et 1929, l’archéologue d’Aix-la-Chapelle Otto Eugen Mayer dirigea des fouilles sur le domaine du château de Rimburg, juste à la frontière entre Rimburg (NL) et Übach-Palenberg (DE). Il découvrit les vestiges d’un village routier romain qui s’était développé à partir du milieu du premier siècle des deux côtés de la Worm. Caractéristiques du village : un pont et la Via Belgica. La route et le pont furent réparés en profondeur après plus de 250 ans d’utilisation, dans la première moitié du IVe siècle. Otto Mayer trouva, entre autres, des restes de la construction en bois du pont et 14 anciennes pierres tombales. Les pierres sont — sauf une — aujourd’hui la propriété des propriétaires du château de Rimburg.

Photo : reconstitution du village routier romain près de Rimburg. Illustration Mikko Kriek.

Des parents ?

En 2019, les archéologues Hilde Vanneste et Uta Schröder publièrent une grande étude sur le Rimburg romain. Dans ce cadre, le chercheur allemand Janico Albrecht examina la collection particulière de pierres tombales, dont la plupart sont en grès provenant de la carrière de Nivelstein, à quelques kilomètres en amont le long de la Worm.

Les pierres tombales de Rimburg sont des exemples assez typiques du nord romain. Elles sont allongées, portent une inscription latine avec des noms, et certaines sont décorées de motifs de feuilles et de fleurs. Cependant, un autre chercheur allemand, Herbert Nesselhauf, remarqua déjà en 1937 quelque chose d’étrange : certains noms apparaissaient plusieurs fois sur différentes pierres. S’agissait-il peut-être… de parents ? Il établit les arbres généalogiques de trois familles qu’il put distinguer.

Photo : pierre tombale d’Ulpius Iustus. Archives municipales d’Aix-la-Chapelle.

Un empereur populaire

Les membres de la famille, probablement des villageois, portent des noms à consonance romaine, gauloise ou germanique. C’était tout à fait normal dans cette partie de la Germanie romaine, voisine de la Gaule. Un nom en particulier se distingue : le nom masculin Ulpius et le nom féminin Ulpia.

Janico Albrecht donne plusieurs explications : d’abord, il évoque le règne de l’empereur Trajan (98–117), dont le « nom de famille » était Ulpius. Peut-être des villageois, peut-être d’anciens soldats, donnèrent-ils à leur enfant le nom de l’empereur en remerciement pour une faveur de la cour impériale. Deuxième explication : les enfants portent le nom de groupes ou de lieux associés à l’empereur, par exemple la 30e légion Ulpia Victrix ou les villes Ulpia Noviomagus (Nimègue) ou Colonia Ulpia Traiana (Xanten).

Photo : pierre tombale d’Ulpia Ursa. Archives municipales d’Aix-la-Chapelle.

Enfants du loup

Albrecht propose une troisième explication. L’une des pierres tombales mentionne Ulfenus, fils de la femme Ulpia Ursa. Or, les mots germaniques « Ulfenus » et latins « Ulpius » signifient tous deux « loup ». « Loup » ou « louve » étaient-ils des noms populaires dans les différentes langues du village ? Si c’est le cas, la mère Ulpia Ursa était une véritable amie des animaux : son nom signifie « Louve ourse ».

La découverte de Rimburg est remarquable, car il est très rare de trouver ensemble des pierres tombales romaines de membres d’une même famille. Et sans découvertes similaires ailleurs, il reste difficile de donner une explication certaine aux pierres de Rimburg.

Photo : trois familles selon les pierres tombales, d’après Nesselhauf (1937).

Des Romains durables

La population de Rimburg romain dut fortement diminuer au début du IVe siècle. Pendant des décennies d’instabilité dans l’Empire romain, les villageois partirent vers de meilleurs lieux de vie. L’empereur Constantin (312–337) rétablit la paix, notamment en réparant routes et ponts.

Pour les travaux sur la Via Belgica et la tête de pont sur la Worm, il fallait du matériau de construction, bien que celui-ci fût rare à l’époque. Les Romains cherchèrent donc de bonnes pierres dans des bâtiments anciens et abandonnés. Dans le village déserté sur la Worm, d’anciennes pierres tombales — peut-être vieilles d’un siècle et demi — furent bien utiles. Les pierres furent réutilisées pour le pont, et le reste appartient à l’histoire… à l’histoire familiale, pour être précis !

Photo : fouille d’un bâtiment romain près du château de Rimburg. Probablement l’archéologue Otto Eugen Mayer. Archives municipales d’Aix-la-Chapelle.

Photo : borne milliaire de l’empereur Constantin, trouvée à Eygelshoven. Photo R. Voorburg.

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