Innovation grâce à une recette de béton romain

Auteur: Harry Lindelauf
Photographie: MIT, Thermenmuseum Heerlen, Phillippe Debeerst , L’Oeil Photography/Thermenmuseum, Harry Lindelauf

Comment produire un béton qui dure plus longtemps et qui, lors de sa fabrication, est moins nocif pour l’environnement ? Des chercheurs des États-Unis et de Suisse ont cherché cette innovation et ont maintenant trouvé la solution : il s’agit d’une recette de béton romain vieille de 2 300 ans.

Le professeur Admir Masic du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis a dirigé cette recherche, avec la participation de l’université Harvard et d’un institut suisse de recherche sur les matériaux. Masic a trouvé la clé dans de petits fragments de béton provenant du mur d’enceinte romain de Proverno près de Rome.

On sait que le béton romain dure très longtemps : la coupole du Panthéon date de l’an 128. On sait aussi qu’une autre recette de béton romain, grâce à l’ajout de cendre volcanique, durcit sous l’eau et devient même plus solide avec le temps. Longtemps, on a pensé que tout ce qu’il y avait à savoir sur le béton romain était déjà connu.

Photo : le Panthéon à Rome. Cette version a été construite vers l’an 128. Les dimensions sont impressionnantes : la coupole en béton a un diamètre de 43,30 mètres et une hauteur de 43,30 mètres. L’ouverture au sommet mesure neuf mètres de diamètre.

Béton négligé

L’équipe de Masic a poussé l’étude plus loin et analysé la composition du fragment de béton de Proverno à l’aide de techniques de pointe. Masic a été frappé par la présence dans le béton romain de fragments millimétriques de carbonate de calcium, inclus dans un matériau riche en chaux. Cela avait déjà été observé auparavant, mais attribué à un mélange de béton mal fait.

Masic a remis en question cette hypothèse : « Si les Romains ont consacré autant d’efforts à créer un matériau de construction extraordinaire, en suivant toutes les recettes détaillées améliorées au fil des siècles, pourquoi auraient-ils pris si peu de soin pour produire un produit final bien mélangé ? »

Photo : fragment d’une fosse à déchets au Thermenmuseum de Heerlen. Un morceau de sol avec des tesselles de mosaïque incrustées dans un béton teinté de rose.

Chaux vive

L’équipe a découvert que ces fragments minéraux se forment lorsque le béton est fabriqué avec de la chaux vive là où on utilise normalement de la chaux éteinte. La différence provient de la réaction chimique dans le mélange. Cette réaction dégage beaucoup de chaleur, ce qui mène à la formation des fragments minéraux.

Masic a également découvert pourquoi le béton romain dure si longtemps. Il apparaît que le béton répare lui-même de petites fissures. L’eau qui pénètre dans les fissures dissout la chaux provenant des fragments de carbonate de calcium. Cette chaux cristallise et referme les fissures jusqu’à 0,5 millimètre de large, comme l’ont montré des tests en laboratoire. Masic espère que cette recherche contribuera à réduire l’impact environnemental de la production de ciment, qui représente actuellement environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le béton romain version 2023 doit y parvenir grâce à une durée de vie plus longue et au développement d’un béton plus léger.

Photo : Un morceau de béton. Le calcium apparaît en rouge, le silicium en bleu et l’aluminium en vert. Le calcium responsable des propriétés d’auto-réparation est visible dans la partie inférieure de l’image.

Le Panthéon et le Colisée sont deux exemples mondialement connus de bâtiments romains qui ont pu être réalisés grâce au béton romain. Le long de la Via Belgica dans le sud du Limbourg, du béton romain a été utilisé pour la construction des piliers du pont sur la Meuse à Maastricht. Pour les thermes de Heerlen également, les Romains ont utilisé du béton, par exemple comme support pour un sol en mosaïque.

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